Cuisinier de formation, Xavier Hamon prend un tournant radical et interroge son activité il y a plusieurs années. Après avoir quitté la restauration, il y est revenu. Sa pratique et son approche de la cuisine ont fondamentalement changé. Membre du mouvement slow food il travaille actuellement sur un projet de création d’une université sur les savoirs culinaires. Dans le cadre du parcours Breizh Cop – La Bretagne s’engage, il interviendra ce jeudi à 360 Possibles.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Je viens d’une formation classique (école hôtelière à Dinard dans les années 80). Mon métier me plaisait beaucoup techniquement, ce qui se passait dans les cuisines moins. L’environnement humain ne m’épanouissait pas. J’observais des relations de domination/soumission qui ne sont pas intéressantes. J’ai donc quitté ce métier à la fin des années 90 pour, finalement, y revenir. L’idée était d’explorer autrement ce métier. J’ai rencontré le mouvement slow food qui proposait une approche systémique. J’ai pu mieux comprendre le rôle du cuisinier dans son environnement. Cette approche systémique implique bien plus qu’un geste technique ou qu’un produit, il s’agit également des modes de production qu’il y a derrière le produit, du producteur etc…
Vous êtes ancré dans un territoire, la Bretagne…
Oui et je me suis aperçu que la Bretagne ne connaissait pas son histoire gastronomique, ou l’avait oubliée voire n’en avait pas eu contrairement à d’autres régions. Dans les années 2000, il y avait beaucoup de concepts dans la restauration mais pas de recherche réelle. Mon premier travail a été de redécouvrir les richesses locales. J’ai découvert une agriculture autour des races locales, des savoir-faire anciens remis au goût du jour ou encore ce qui se passe autour de la pêche locale. J’ai mis 15 ans pour comprendre mon environnement et faire évoluer ma pratique de la cuisine.
J’ai dû mettre 15 ans pour comprendre mon environnement et faire évoluer ma pratique de la cuisine.
Le bien manger est-il accessible à tous ?
Le bien manger c’est possible, ça existe mais ça a un prix. La question que slow food pose : qui est-ce qui veut payer ? Est-ce que c’est une élite économique qui a les moyens de s’offrir ce bien-manger ? Ou st-ce qu’on pense qu’il faut trouver d’autres façons de financer cette alimentation pour la rendre accessible à tous ? Mais il ne s’agit pas que du coût. Il y a aussi toute la question de se remettre à manger, se réapproprier son propre temps, de se réinterroger son rapport à l’alimentation.
Rappellez-nous la définition de la slow food, mouvement dans lequel s’inscrit votre action…
C’est un mouvement international qui propose une vision systémique de l’alimentation. On va aborder tous les paramètres qui rentrent en compte, cela va de l’agriculture en passant par la santé et l’économie, la culture et la sociologie, l’ethnologie, l’anthropologie etc…Tout cela permet de sortir du simple débat « pour ou contre » mais bien de comprendre comment la société évolue.
Vous travaillez sur un projet d’Université soutenu par la Région Bretagne…
Quand on a fondé l’Alliance des Cuisiniers slow food en France en 2016, c’était l’aboutissement d’un réseau informel qui existait depuis de nombreuses années. L’idée ? Que les pratiques que nous mettions en œuvre fasse l’objet d’un enseignement qui n’existait pas. Nous avons donc décidé de créer cette université basée à Plouhinec. Une première promotion est attendue en septembre 2021. Cette vision systémiquey sera proposée.
Nous tablons sur deux objectifs. Le premier c’est de former les cuisiniers à une autre façon de penser la cuisine. Il n’y a pas de hiérarchie entre une cantine scolaire et un étoilé Michelin. Pour nous, l’expression est différente mais c’est le même propos, la même ambition. L’autre enjeu consiste à faire évoluer le métier de la restauration pour que ces futurs professionnels puissent s’épanouir. Car ce métier reste traverser par des violences en cuisine, des salaires bas, des conditions d’exercice terribles. Nous souhaitons participer à cette transformation de la profession.
Que représente 360 Possibles pour vous ?
Nous avons de la chance d’avoir une prise de risque de la Région Bretagne dans sa capacité à assumer l’innovation. Les vieilles recettes ne fonctionnent plus, l’ancien modèle non plus. Le monde change. Même si nous n’avons pas de réponse toute faite, il est urgent d’expérimenter d’autres voies. Participer à 360 Possibles, c’est une façon de ne pas être à part mais justement d’être dans les solutions qui s’inventent.