INTERVIEW disponible dans la Bretagne Sailing Valley® News – Newsletter #6 – été
Qui aurait imaginé à la sortie des premiers Jumbo et Pogo 40 que quinze ans plus tard, les numéros attribués aux nouveaux Class40 atteindraient les 170 ? Que la classe réclamerait 70 places à la prochaine Route du Rhum (ils étaient 25 pour leur première participation en 2006) ? Que Ian Lipinski et Adrien Hardy, vainqueurs de la Transat Jacques Vabre 2019 à bord de Crédit Mutuel, termineraient avec deux jours d’avance sur les derniers Imoca classés ?
Pensés à l’origine pour un double programme course et croisière accessible aux amateurs, les Class40 n’ont eu de cesse, depuis, de se radicaliser. “L’évolution est comparable à celle des Minis de série. Plus personne ne fait de la petite croisière à bord, c’est de la course pure“, analyse Erwan Tymen, responsable technique du chantier Structures qui lance cette année le Pogo 40 S4 sur plans Verdier.
Plus vite…
La première révolution date sans doute de 2011 avec l’apparition du premier Mach 40 sur plans Manuard. Construction digne d’un prototype signée JPS Production, carène plus volumineuse, cockpit très protégé en ligne avec une nette augmentation des performances au reaching et au portant. Le Mach40 a connu plusieurs déclinaisons et tout gagné… jusqu’à la Route du Rhum 2018. La victoire à Pointe-à-Pitre de Yoann Richomme consacrait certes un marin au-dessus du lot mais aussi le Lift40 de Marc Lombard, éclaireur des scows qui déferlent aujourd’hui sur le marché.
Max40 (Raison), Mach 40.4 (Manuard), Lift40.2 (Lombard), Clak40 (VPLP construit chez Multiplast), Pogo S4 (Verdier)… tous arborent désormais ces formes d’étrave caractéristiques : beaucoup de volume dessous et un nez pointu, règle de jauge oblige. ”Personnellement, je ne les trouve pas beaux, mais côté performance, ça ne se discute pas. Les carènes de scow génèrent moins de traînée induite à la gîte et ils sont plus raides”, commente Guillaume Verdier. Son Pogo 40 S4 a déjà été vendu à cinq exemplaires, le premier devant être mis à l’eau fin juin pour Jean Galfione.
Chez JPS à La Trinité-sur-mer, on ne chôme pas non plus, puisque trois nouveaux bateaux sont déjà sortis et cinq commandes fermes sont à honorer d’ici la fin 2021. Pas de quoi surprendre Nicolas Groleau, patron du chantier : ”On savait que le gain de performances des scows entraînerait un renouvellement de la flotte. Nous nous sommes organisés en fonction et nous avons la chance d’avoir deux designers [David Raison et Sam Manuard], donc deux jeux de moules.“
Plus pro !
Depuis la victoire de Crédit Mutuel lors de la Transat Jacques Vabre 2019, toutes les courses du calendrier ont été remportées par des scows : la CIC Normandy Chanel Race, qui s’est conclue le 4 juin par la victoire d’Axel Tréhin et Frédéric Denis (Project Rescue Ocean) au terme d’un finish d’enfer, n’a pas dérogé à la règle. “Gagner en Class40 commence à avoir une valeur sportive très élevée. La professionnalisation des projets fait clairement monter le niveau”, affirme Frédéric Duthil, patron de Technique Voile. La voilerie trinitaine fait cette année une véritable percée dans la classe (six bateaux équipés), ”sans doute grâce à nos performances en Figaro Beneteau 3, dont les problématiques sont assez proches des Class40”, selon Duthil.
Si la jauge des Class40 reste restrictive pour les matériaux de coque (verre époxy) et les appendices (pas de foils), elle encadre assez peu les voiles et l’électronique embarquée. Au final, les budgets deviennent assez élevés. En intégrant l’amortissement de construction dont le budget va de 410 000 à 650 000 euros HT, les budgets de fonctionnement dépassent les 500 000 euros par an (amortissement du bateau compris) pour qui vise la performance. ”La puissance, le degré de finition, la complexité des échantillonnages et le nombre de pièces en composites ont explosé sur les Class40”, explique Erwan Tymen. Qui ajoute : ”Une variable essentielle du prix final du bateau neuf réside dans les amortissements des moules. Chaque chantier fait un pari sur le nombre d’unités vendues.”
La hausse des budgets ne semble pas rebuter skippers et partenaires puisque ce sont environ 25 bateaux neufs qui auront vu le jour entre la Route du Rhum 2018 et la prochaine, en 2022 ! Un boom qui profite à l’écosystème breton : 80% de ces nouvelles unités sont conçues et construites par des tandems architectes/chantiers installés en Bretagne, preuve du savoir-faire local en la matière. Et l’avenir semble prometteur à en croire Nicolas Groleau qui prédit d’ores et déjà pour l’après-Rhum ”une nouvelle marche architecturale”.
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Photo © Jean-Marie Liot / #CICNCR2021