Interviews, Enquêtes, évènements incontournables et les actualités des adhérents d’Eurolarge Innovation… Tous les trimestres, la Bretagne Sailing Valley® News traite l’actualité économique et technologique de la voile de compétition bretonne. Découvrez ci-dessous l’enquête dédiée à l’aérodynamique.
La 36e Coupe de l’America a donné le ton : alors que ces dernières années, architectes et designers se concentraient surtout sur la meilleure façon de faire voler les bateaux à foils, la priorité pour beaucoup est désormais, maintenant le vol acquis, de limiter leur traînée aérodynamique. Avec à la clef des méthodes et des outils nouveaux pour plus de performance.
La mise à l’eau, le 22 juillet, du trimaran Ultim SVR Lazartigue de François Gabart a marqué les esprits. Sans doute n’est-on jamais allé aussi loin, dès la conception d’un bateau de course au large, dans la recherche de performance aérodynamique. Plus de casquette, mais un cockpit intégré à la coque centrale doté de deux petites bulles façon Rafale ; une bôme qui touche presque le bras arrière ; des carénages de bras très soignés. « L’aérodynamique était clairement le dossier sur lequel on pouvait faire le plus de gains, raconte Antoine Gautier, directeur des études chez MerConcept. À partir du moment où tu décides de supprimer la casquette, c’est toute une nouvelle architecture qu’il faut inventer. » Notamment le système de transmission entre les petits volants intérieurs de pilotage et le système de barre qui commande les trois safrans.
Sur ces nouveaux Ultims qui décollent dès 13 nœuds de vent, le frein lié à l’eau est de plus en plus faible. Avec 20 nœuds de vent réel, un Ultim marche à plus de 30 nœuds au près. Ce sont donc près de 100 km/h de vent apparent qui balayent le pont ! « Dans ces conditions, la part de la traînée aéro dépasse de 10% celle de la traînée hydro », analyse Gautier Sergent, directeur général de North Sails France. Équipant une bonne partie des bateaux volants de course au large actuels, la voilerie vannetaise est en pointe sur le sujet. « Depuis la victoire d’Oracle dans la Coupe de l’America à San Francisco en 2013, on perçoit l’importance croissante de l’aéro. Tant qu’on exprimait les gains potentiels en pourcentage de traînée, ça n’avait pas forcément d’écho. Aujourd’hui, avec l’évolution des outils de simulation, on décèle des gains de vitesse, et là ça parle aux teams », poursuit Gautier Sergent.
Avec un bureau d’études de six ingénieurs (sur une quarantaine de salariés), dont trois ne travaillent que sur de la simulation, North Sails est de plus en plus impliquée en amont des projets. « Les outils de simulation numériques nécessitent des éléments quantifiés de traînée. Donc, les architectes ont besoin de nous dès le début. C’est une nouvelle forme de collaboration passionnante. »
Nouvelles collaborations
Une nouvelle méthode de travail intégrée également chez VPLP Design, comme l’explique Xavier Guilbaud, architecte ayant notamment œuvré sur SVR Lazartigue : « Sur les derniers Ultims, nous avons fait le bilan aérodynamique d’une plateforme complète pour quantifier la traînée de chaque élément. Bien entendu, les bras sont l’élément le plus perturbant, mais les trampolines sont aussi un vrai sujet. On aimerait pouvoir les supprimer comme nous l’avions fait sur USA 17 (le trimaran vainqueur de la Coupe de l’America en 2010). Le barreur rampait sur le bras arrière aux virements de bord ! Évidemment, ce n’est pas réaliste sur un bateau de course au large, alors on a recours aux bâches, notamment en arrière des bras et sur les côtés de la coque centrale où la friction est la plus sensible. »
Capital sur les Ultims, le sujet est aussi pris en compte à des niveaux plus relatifs en Imoca ou en Ocean Fifty (ex Multi50). Sur ces bateaux, c’est surtout l’interaction entre le gréement et la plateforme qui est étudiée : « Nous avons intégré le sujet dès la seconde année de navigation sur Charal 1, raconte Pierre-François Dargnies, responsable technique de BeYou Racing. Nous avons fait des tests de nouvelles configurations cet hiver, loin de Lorient pour rester discrets, dans l’optique du nouveau bateau (un plan Manuard en construction chez CDK Technologies, à Lorient, NDLR). »
En Imoca, le principal travail consiste à maximiser l’effet de plaque entre les voiles et le pont, c’est-à-dire éviter que l’air puisse passer d’un côté à l’autre de la voile par le bas et crée ainsi des tourbillons. Sur Charal 1, l’innovation avait consisté en un système de bâche sous la bôme pour combler l’espace vide avec le pont. « L’important, poursuit Pierre-François Dargnies, c’est de quantifier le gain de chaque système par rapport au poids ou à la complexité qu’il génère. On commande des études de rendement par simulation numérique à North Sails pour chaque angle et force de vent afin de trancher. »
L’accroissement de la performance pure ne doit cependant pas se faire au détriment de la sécurité du marin ou de la prise de masse du bateau. C’est pourquoi l’usage des bâches aéro est limité sur les Ocean Fifty, plus sensibles que les Ultims au risque de chavirage. C’est aussi la raison pour laquelle le sujet n’est pas aujourd’hui sur le dessus de la pile en Imoca, comme l’explique Pierre-François Dargnies : « Il faut se souvenir que le Vendée Globe 2020 s’est couru à des vitesses très faibles. Notre première préoccupation sur Charal 2, c’est quand même de rapprocher la vitesse moyenne en solitaire des performances pures obtenues en équipage en baie. Il faut donc d’abord passer la mer avant de regarder en l’air ! »
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