Ils sont dans l’ombre et ne recherchent pas particulièrement la lumière. Pourtant leur réactivité, leur capacité à s’organiser et à répondre à des besoins rapidement retiennent l’attention. Ils l’ont démontré depuis les premiers temps de cette crise sanitaire sans précédent : les acteurs de l’impression 3D (PME, Fab Lab, Lab Fab & makers indépendants) sont en première ligne. En lien étroit avec les professionnels de santé, leurs imprimantes 3D et leurs méninges tournent à plein régime. Après les premiers temps de la gestion de crise, ils envisagent la suite…
Comment définir cette communauté si hétérogène des makers qui se trouvent aux quatre coins du territoire breton ? « L’action précède le plan d’actions », s’essaie Norbert Friant, responsable numérique chez Rennes Métropole et référent Bretagne du réseau français des Fab Lab. Ce sont des faiseurs, « qui agissent et construisent par successions d’actions », précise-t-il.
« Les makers étaient prêts dès le début de la crise pour pallier un manque »
Nobert Friant
Derrière cette communauté d’acteurs se cachent des réalités très diverses. Il peut s’agir de bénévoles passionné.e.s, d’étudiant.e.s ou même d’entreprises. Tous & toutes ont en commun d’avoir des équipements en impression 3D. Grâce à la structuration de ces réseaux, tant au niveau international qu’au niveau local, ils ont réagi très vite.
« Les makers étaient prêts dès le début de la crise pour pallier un manque », note Norbert Friant très impliqué dans les réseaux de makers. La Bretagne possède un maillage très dense de Fab Lab*, « la première région française dans ce domaine », affirme-t-il.
- *Fab Lab : Réseaux apparus dans les 90’s à l’initiative du MIT. Ils sont fondés sur des notions de bienveillance, d’open source, d’innovation. Des modèles construits sur des valeurs qui ne sont pas celles du monde industriel basé sur le secret.
Dès janvier, les informations s’échangent, au niveau mondial. « Pour reprendre le cas des visières, des projets ont rapidement été mis en ligne en open source », se souvient Willy Allegre, ingénieur au Rehab Lab du centre de rééducation de Kerpape. Il cite l’exemple du modèle de visière Prusa développé par le dirigeant de la société tchèque du même nom. Rapidement, les makers bretons s’emparent du modèle et se mettent en lien avec les soignants qui peuvent tester et valider.
Mobiliser les compétences
En parallèle de ce mouvement spontané, la plateforme Entreprises Unies BZH souhaitée par la Région Bretagne et animée par les équipes de BDI et de Biotech Santé Bretagne entreprend un travail de référencement des acteurs de l’impression 3D. L’idée : faire remonter les besoins des entreprises et les offres disponibles en les publiant sur la plateforme.
« La démarche entreprise avec l’entreprise SLS France et le Rehab Lab de Kerpape consiste à mobiliser les compétences en Bretagne pour organiser le design, le prototypage de solutions avec leurs bonnes pratiques d’emploi, tout en maintenant un équilibre avec l’écosystème industriel. Ce dernier peut produire, à grande vitesse et en grand volume, des produits standards. Cet écosystème -plus gros et moins agile – met plus de temps pour s’organiser et se mettre en action », explique Yann Dieulangard, en charge de cette action chez BDI.
Une co-validation des professionnels de santé
Il s’agit de produire, dans l’urgence et sur mesure, des équipements de protection individuelle de substitution, en l’absence de produits homologués. Le développement de ces produits de substitution se fait en liens étroits et co-validation des professionnels de santé. « Il faut souligner que ces démarches, l’une très ascendante qui part de l’échelle très locale et l’autre coordonnée avec l’aide de la Région, fonctionnent bien ensemble », souligne Willy Allegre.
L’initiative entreprise avec SLS France, le Rehab Lab de Kerpape et les réseaux de makers bretons a aussi pour but de les connecter avec le monde industriel. Car si le temps de la gestion de crise s’éloigne, la problématique reste d’actualité et va s’installer dans le temps. Le déconfinement annoncé par le Président de la République engendre déjà une demande importante d’équipements de protection individuelle : visières, blouses, surblouses, gants, masques…Et ce, bien au-delà des professionnels de santé.
L’avenir…
Norbert Friant envisage déjà l’avenir : « Aujourd’hui, il nous faut trouver une péréquation des ressources au niveau régional, souligne-t-il. Et pourquoi de ne pas recréer un tissu industriel de Fab Labs et de micro-usines à l’échelle de la Région Bretagne ? » Cette nécessité de passer à une échelle industrielle devrait se confirmer dans les semaines à venir. Certaines réponses se dessinent comme l’initiative régionale « mangeons local » www.produits-locaux.bzh lancée le 6 avril dernier et qui concerne le secteur alimentaire.
Dans un communiqué de presse, la Région Bretagne a annoncé une aide aux différents fab labs bretons. Le communiqué précise également que « les considérant comme des structures d’intérêt général porteuses d’innovation, [La Région] a décidé de les aider à se structurer davantage. C’est le Ti Lab, laboratoire régional d’innovation publique animé par l’État et la Région, qui coordonnera ces réseaux jeunes et très actifs. Cet appui se fera en lien avec le service innovation de la Région et la plateforme Entreprises Unies en Bretagne.«
En chiffres :
500 makers mobilisés sur l’ensemble du territoire breton
Ils ont offert ou produit 18 000 visières de protection aux soignants
Zoom sur : Des couturières très solidaires
Parallèlement au mouvement des makers, les couturières se sont rapidement mobilisées dans les quatre départements bretons. Dans le même esprit et parfois en lien avec le mouvement des makers, ces couturières -professionnelles ou amatrices- ont su répondre aux besoins urgents des acteurs du monde de la santé, tout en respectant les règles de sécurité et…du confinement. En Ile et Vilaine, le collectif Couturières Solidaires du 35 a créé toute une chaîne logistique pour que les 200 couturières du réseau n’aient pas à sortir de chez elles. Des « collecteurs » sillonnent tout le territoire (Rennes et ses environs et un pôle autour de Saint-Malo) afin de récupérer masques et blouses cousus. Marine Prevet, qui coordonne le collectif, centralise ensuite la production et la distribue aux établissements de soins avec qui le collectif est en lien. « Depuis l’annonce du Gouvernement qui vise à légitimer les masques textiles, on a observé une forte hausse de la demande, constate celle qui réfléchit à l’après. Nous sommes des bénévoles et l’on ne peut pas continuer à travailler gratuitement pendant plusieurs semaines. » Un autre mode d’organisation pourrait voir le jour permettant de rémunérer le travail effectué…Pour l’instant, la seule certitude concerne la demande en masques et en blouses : elle ne fait qu’augmenter.