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Parc éolien offshore en Baie de Saint-Brieuc : capter la puissance du vent pour produire une énergie propre et renouvelable en Bretagne14 min de lecture

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Onze ans après le lancement du projet, le parc éolien posé en mer dans la baie de Saint-Brieuc prend forme. Les premiers électrons verts ont été injectés dans le réseau électrique national en juillet 2023. Les 62 éoliennes devraient être totalement opérationnelles au premier trimestre 2024. À la tête de ce gigantesque chantier, Iberdola France envisage une production de 1 820 Gigawattheures d’électricité verte par an, soit la consommation annuelle de 835 000 habitants. Cette énergie décarbonée représentera alors 9 % de la consommation électrique totale de la région. De quoi faire des Côtes-d’Armor un département à énergie positive, et améliorer la souveraineté énergétique de la Bretagne.

 

Un chantier hors norme pour le 2ᵉ parc éolien offshore au large des côtes françaises

En 2012, Iberdola France remportait l’appel d’offres gouvernemental pour la construction d’un parc éolien offshore en baie de Saint-Brieuc. “Producteur et distributeur d’énergie depuis 170 ans, pour plus de 100 millions de clients dans le monde entier, Iberdola est aujourd’hui la première entreprise énergétique européenne et la deuxième mondiale en termes de capitalisation boursière. Plus de 80 % de son offre électrique énergétique est décarbonée”, rappelle Alain Riou, ancien de l’Ifremer et directeur adjoint du Pôle Mer Bretagne Atlantique et aujourd’hui directeur éolien offshore chez Iberdrola France. Il a notamment géré l’ensemble des relations avec les industriels, les autorités, les élus et les professionnels de la pêche. L’entreprise proposait un projet de moindre impact, dans une démarche d’optimisation technique et environnementale. Elle s’appuyait sur les recommandations des spécialistes, des acteurs locaux et misait sur un dialogue de proximité.

Après avoir obtenu l’autorisation environnementale en 2017, la filiale française de ce mastodonte espagnol de l’énergie lançait finalement le début des travaux de construction le 3 mai 2021. « C’est la société de projet Ailes Marines qui a développé, construit et qui exploitera le parc éolien en mer de Saint-Brieuc. Elle est détenue à 100 % par Iberdrola. » Depuis, la campagne d’installation du parc éolien se poursuit selon le calendrier prévu.

 

ailes marines - assemblage jacket
Assemblage des jackets. Crédits : Ailes Marines

 

Le 4 juillet 2022 commençait l’installation des premières fondations jackets, ces treillis métalliques, fixés sur le fond par trois pieux, dont la moitié a été construite à Brest. Elles servent de plateformes dans l’eau à la réception des mâts et des éoliennes.

Quelques jours plus tard, la sous-station électrique prenait place au milieu du parc éolien. Ce chantier impressionnant, attribué à Eiffage Métal et Engie Solutions, consistait à placer la fondation (63 m de haut, 1 630 tonnes) et la partie supérieure (55 m de long pour 31 de large et 23 de haut, 3 400 tonnes). 

“C’était un moment extrêmement important du projet. En effet, c’est par là que transite l’ensemble des câbles et des électrons, avant d’être remis dans les câbles d’export, qui eux appartiennent à RTE. Ce moment était d’autant plus crucial que c’est un one shot ! Le 2ᵉ plus gros bateau au monde, le navire-grue Saipem 7000, est arrivé en baie de Saint-Brieuc. Et au moment où il soulève la sous-station électrique et vient la mettre sur sa jacket qui dépasse de l’eau, il n’y a plus moyen de revenir en arrière. Il faut absolument la poser : un grand moment de tension ! Je me souviens encore des images et du message reçu l’été dernier, à minuit : “C’est bon, elle est en place”. Une prouesse et un vrai soulagement !” se rappelle le directeur offshore.

Cette sous-station électrique sera entièrement automatisée et pilotée à distance. Elle est, pour cela, reliée à la terre par 2 câbles sous-marins de 225 000 volts.

 

sous station electrique ailes marines
Sous-station électrique offshore. Crédits : Ailes Marines

 

Fabriquées par l’usine havraise de Siemens Gamesa, les 16 premières éoliennes de 8 Mégawatts ont été transportées et installées grâce au navire de pose Le Brave Tern de Fred Olsen Windcarrier (Fowic), entre mai et juillet 2023. Ces éoliennes, les plus puissantes installées en France à ce jour, comprennent un mât de 90 m de haut installé sur la jacket, une nacelle et 3 pales de 81,40 m de long fixées au rotor. Chaque turbine s’élève ainsi à 209 mètres de haut.

Le 5 juillet 2023, l’une des éoliennes commençait à produire ses premiers électrons décarbonés, injectés dans le réseau électrique national par son gestionnaire RTE (Réseau de Transport d’Électricité).  « C’est avec une très grande satisfaction que nous avons lancé la production des premières éoliennes du parc. Une étape symbole de 12 années d’efforts pour mener à bien ce gigantesque projet, qui contribue à la fois à la souveraineté énergétique de la Région Bretagne et à la transition énergétique, élément clé de la bataille contre le dérèglement climatique », déclarait alors Emmanuel Rollin, directeur général Iberdrola France.

 

Une mise en service par tranches pour atteindre une puissance de 496 Mégawatts pendant 25 ans

Cette mise en service est de 2 ordres : 

  • Une mise en service technique : l’ensemble des composants, que ce soit dans la turbine, les pales, ou encore la sous-station, est vérifié, revérifié, testé, mis en stress et en fatigue, reboosté, rééteint… Cette étape a déjà démarré à la mise en service de la première éolienne. Elle se poursuivra jusqu’au 1ᵉʳ trimestre 2024.
  • Une mise en service par tranche afin d’injecter des électrons dans le réseau : une première tranche de 20 % sera signée d’ici fin 2023, une 2ᵉ tranche de 50 % les semaines suivantes, pour atteindre les 100 % vers mars 2024. Au final, la puissance maximale du parc attendue est 496 Mégawatts.

 

Le point d’injection de l’électricité se fait à la station terrestre de la Doberie, à côté d’Erquy. À partir de là, RTE pilote la redistribution d’électricité. “Vraisemblablement, les Côtes-d’Armor et l’agglomération rennaise seront privilégiées dans la distribution de RTE”, souligne Stéphane Alain Riou.

Une fois lancée, la production d’énergie marine renouvelable reste constante pendant l’exploitation prévue sur 25 ans. “L’éolien en mer permet de capter des vents maritimes au large plus puissants et plus réguliers que sur terre. Le facteur de charge avoisine les 40 %, ce qui est très compétitif par rapport à des énergies classiques, de type nucléaire. Donc dès que la mise en service est réalisée, on injecte des électrons dans le réseau.”

Qu’advient-il de la production après ces 25 années d’exploitation du parc ? “Ce qui détermine le prolongement ou non de l’exploitation, c’est l’état des jackets qui sont dans l’eau, très impactées par le fort courant et la corrosion. Si elles sont en bon état, on pourra envisager une prolongation de plusieurs années. Sinon, l’avantage de l’éolien en mer, c’est que c’est très facile à démanteler. Il suffit de scier les pieux qui sont enfoncés dans le sous-sol et l’ensemble du matériel s’enlève. Le site peut être rendu dans son état initial. Et dès que l’on commence à produire, une provision de plusieurs centaines de millions d’euros est séquestrée, et destinée au démantèlement. Tout ça est très réglementé”, répond Stéphane Alain Riou.

 

Évolution de la part de l’éolien dans le mix énergétique breton

Produisant moins de 15 % de l’électricité qu’elle consomme, la Bretagne est directement concernée par la question de l’autonomie énergétique et fait le pari du vent. “Aujourd’hui, notre électricité vient de la centrale nucléaire de Flamanville en Normandie. Le parc éolien de Saint-Brieuc va produire 1820 Gigawattheures, ce qui correspond à un peu plus de 9 % de la consommation électrique en Bretagne. Il va donc largement contribuer à une meilleure autonomie énergétique régionale, et alimenter 835 000 personnes en électrons verts (chauffage inclus). Cet apport massif d’électricité viendra bien évidemment soutenir également l’activité économique des entreprises du territoire. Ce parc va ainsi changer la donne du mix énergétique breton.”

Le parc éolien en mer de Saint-Brieuc contribue par ailleurs aux objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Des projets comme celui-ci répondent aux objectifs nationaux en matière de transition écologique, notamment en contribuant à produire 40 % d’électricité d’origine renouvelable d’ici à 2030 (objectif fixé par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte, adoptée en 2015). 

La politique gouvernementale sur l’éolien est très dynamique aujourd’hui. Lors de sa visite au centre de contrôle de Pleudaniel en septembre 2023, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, a annoncé un objectif de 42 Gigawatts en 2050, soit plus de 50 parcs éoliens en mer à construire en France. “Il existe aujourd’hui une démarche de planification spatiale maritime qui va permettre de définir, en concertation avec le public, les professionnels et usagers de la mer, des zones potentielles d’installation de nouveaux parcs éoliens. Les zones à gros potentiels se situent sur les côtes normandes, la façade NAMO (Nord Atlantique Manche Ouest), notamment avec le projet d’éoliennes flottantes en Bretagne Sud, dans le Golfe de Gascogne entre Nantes et Oléron, ou alors en Méditerranée. En Bretagne, on estime entre 9 et 11 Gigawatts, soit entre 15 et 20 parcs qui pourraient être installés, du Mont Saint-Michel à Noirmoutier. Début octobre 2023, un appel d’offres pour Lorient a été clôturé. Et la ministre de la Transition énergétique a déjà annoncé l’extension de ce futur parc. Un nouvel appel d’offres devrait être lancé en fin d’année pour augmenter sa capacité. La dynamique est très forte et la Bretagne a la chance d’avoir ce gisement énergétique, provenant du large et de ses côtes. Il est important qu’elle puisse en bénéficier en mettant en place de nouveaux parcs.”

 

Retombées sur l’économie bretonne

“L’éolien offshore est un paradoxe. C’est une industrie à la fois européenne et mondiale, et en même temps extrêmement locale. Elle nécessite beaucoup de capitaux et de spécialisations, comme les bateaux d’installation très spécifiques, que toutes les nations n’ont pas. Ailes Marines travaille donc avec de grands donneurs d’ordre d’envergure internationale, mais qui viennent puiser avec des sous-traitants en local leurs besoins en emplois”, explique Stéphane Alain Riou.

Aujourd’hui, le chantier compte 1700 à 1800 emplois en France, dont plus de 500 en Bretagne. “L’un des plus gros gisements est au Havre, au sein de l’usine nouvelle Siemens Gamesa, qui fabrique les turbines et les pales. Un autre se situe à Brest sur le polder EMR – Énergies Marines Renouvelables. Notre contractant, Navantia-Windar, s’y est installé pour sous-traiter avec plus d’une quinzaine d’entreprises brestoises. Cela a représenté 287 équivalents temps plein pendant 3 ans.”

Ce consortium espagnol, spécialisé dans la fabrication et l’assemblage des pieds d’éoliennes, ouvre la voie au développement d’un nouveau savoir-faire en Bretagne, et à la création de nouveaux emplois dans la durée. “L’engagement pris par Navantia-Windar était de positionner le port de Brest en tant que centre industriel majeur de l’éolien en mer en Europe” selon les mots de Susana de Sarriá, la présidente de Navantia. (Source)

Sur Brest, le chantier a ramené également un autre prestataire : Haizea, une entreprise basque, qui fabrique les mâts d’éoliennes. “Installée sur le polder, elle a créé Haizea Breizh, avec 40 emplois supplémentaires pendant 2 ans. Ils ont ainsi équipé les tronçons de mâts, de matériel électronique, d’échelles de secours ou encore de plateformes, avant de les transférer au Havre pour être assemblés.” Une activité pérenne puisque, depuis Brest, deux autres projets offshore (Noirmoutier et Le Tréport) entreront en production en 2025 et 2026.

Au total, 144 TPE, PME, et ETI du territoire breton accompagnent le projet depuis sa phase de développement, comme fournisseur de main-d’œuvre nécessaire, de matériels ou de services pour les divers chantiers. “Les nombreuses études environnementales et les mesures de suivi ont par ailleurs été réalisées par des laboratoires et des bureaux d’études bretons. On a beaucoup innové dans ce domaine et certains ont même déposé par la suite des brevets, après avoir inventé des nouvelles méthodes de suivi. Cela leur permettra de les valoriser en postulant pour d’autres champs d’éoliennes dans le monde. Plusieurs associations environnementales locales ont aussi travaillé sur le projet.”

Enfin, tout a été fait pour la reprise des activités de pêche sur le site du parc éolien. “Nous avons orienté les lignes d’éoliennes dans le sens des traits de chalut, ensouillé les câbles interéoliens pour une sécurité maritime maximum, et éviter les effets de croche pour les engins de pêche. Le parc a été remonté de 6 km au nord pour sortir du gisement principal de coquilles Saint-Jacques et ne pas interférer avec l’or blanc de la baie. Aujourd’hui, nous travaillons avec la préfecture maritime et les professionnels de la pêche pour préparer cette reprise, après l’arrêté préfectoral courant de l’année prochaine.”

En parallèle, des retombées physiques sont également déjà visibles dans les Côtes-d’Armor, sur les sites de Kérantour-Pleudaniel et du port en eau profonde de Lézardrieux, qui a servi de base logistique durant la construction du parc éolien. “La mise aux normes et la création d’un ponton renforcé pour 2,8 millions d’euros, ainsi qu’un aménagement du quai pour nos besoins, resteront bien sûr en place. Ces structures sont rétrocédées à la commune et au Département.”

La préparation de la phase active de la maintenance a vu aussi des aménagements permanents se construire. “À Saint-Quay-Portrieux, un ponton servira aux bateaux de maintenance tous les jours. Dans la commune voisine de Binic, se situera par ailleurs notre bâtiment de maintenance, qui accueillera environ 80 personnes à temps plein, pendant la phase d’exploitation de 25 ans. Sur ce site, seront pilotées la maintenance et la production électrique à distance. Ces deux emplacements deviendront le cœur de vie du parc éolien à terre, avec des équipements uniques dans les Côtes-d’Armor.”

Enfin, des répercussions touristiques sont également envisageables. Les Vedettes de Bréhat ont lancé cet été, pour la première fois, des visites autour du parc éolien. Près de 4 000 visiteurs ont ainsi découvert les premières éoliennes. Et les ventes de billets pour 2024 ont déjà commencé pour de futurs cadeaux de Noël !

 

IBreizh : un plan de développement économique local à destination des porteurs de projets

Avec ce parc, Iberdola devient le premier énergéticien breton. Il lui paraissait évident de mettre en avant un plan de développement économique local. “En tant que leader européen de l’énergie, Iberdola est légitime d’intervenir sur des projets liés à l’énergie et au maritime. L’idée est de soutenir les porteurs de projet où l’on peut avoir des intérêts communs.”

Quatre grands thèmes ont été définis dans ce programme Ibreizh : la filière pêche et conchyliculture, le tourisme, l’environnement et le développement économique autour de l’énergie.

“Iberdola propose alors de cofinancer certains projets autour de ces 4 thèmes. Pour les sélectionner, nous sollicitons et nous appuyons sur des têtes de réseaux, comme les syndicats professionnels, les Chambres de Commerce et d’Industrie, et les pôles de compétitivité. Pour exemple, nous finançons une étude de faisabilité du Comité Régional Conchylicole Bretagne Nord sur la possibilité de créer des activités aquacoles au sein d’un parc éolien (algoculture, mytiliculture ou un mix des deux). La question est de savoir comment créer une valeur supplémentaire sur le parc éolien, en plus des activités de pêche qui vont reprendre après les travaux, en y insérant des activités d’aquaculture.”

La signature d’un accord-cadre avec la Région Bretagne d’une durée de 7 ans permettra d’installer des projets dans la durée et de voir l’efficacité des premiers financés. 

“Si ce chantier représente un investissement conséquent de 2,4 milliards d’euros pour Iberdola, rien n’égale la fierté de participer à ce premier parc éolien en mer breton. Nous appelons de nos vœux qu’il y en ait d’autres, sur lesquels notre groupe sera ravi de se positionner également”, conclut Stéphane Alain Riou. Il travaille actuellement sur les appels d’offres du gouvernement français sur l’éolien en mer, posé ou flottant, dont plusieurs concernent la Bretagne.

 

Crédit photo de couverture : Christophe Beyssier – Ailes Marines