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Success story

Spiru’Marine : la spiruline 100 % eau de mer au cœur du projet L’Or Vert Marin12 min de lecture

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À la tête de la start-up de biotechnologie Spiru’Marine, Marie-Gabrielle Capodano s’est fait connaître sous le nom de Madame Spiruline. Sa passion pour le phytoplancton et les microalgues l’ont amenée à développer une souche de spiruline marine au cœur du Golfe du Morbihan. Fière d’être une des rares femmes à la tête d’une exploitation ostréicole, elle revendique son titre de paysanne de la mer. Alors qu’aujourd’hui 80 % de la consommation française de spiruline est importée, elle se bat pour donner à son projet “L’Or Vert Marin” l’envergure qu’il mérite.

 

D’où vient votre intérêt pour la spiruline marine ?

Après un parcours atypique, j’ai repris les études sur le tard avec un Master 2 en Management de la qualité totale. J’ai longtemps vécu en Guadeloupe, mais je suis arrivée il y a 20 ans dans le Morbihan. J’ai pu y mettre à profit mes acquis pour exercer le métier d’écloseur d’huîtres. J’ai été formée auprès d’un ingénieur agronome halieutique aux différents postes de ce travail qui consiste à produire des naissains, en passant par le stade des larves issues de la reproduction des huîtres. J’ai notamment été nommée responsable du laboratoire phytoplancton où étaient cultivées les différentes souches. J’ai eu besoin d’en comprendre tous les mécanismes, c’est ainsi que je me suis passionnée pour le monde du phytoplancton. On peut en effet en faire des compléments alimentaires, du biogaz, des tampons végétaux pour la climatisation, mais mes lectures m’ont amenée à me rendre compte qu’il n’était pas utilisé au cœur de l’assiette en récolte fraîche. Cette richesse exceptionnelle nourrissait seulement les animaux. J’ai réussi à améliorer le rendement des souches que l’on utilisait et les ai alors assemblées pour optimiser l’alimentation des huîtres et des micronaissains.

Et puis en 2012, je décide de voler de mes propres ailes et crée mon entreprise sur un chantier ostréicole que je loue à Sarzeau. Je le nomme La Nurserie du Golfe et démarre par une petite écloserie-nurserie d’huîtres. Mais surtout, je m’en sers comme d’un terrain de jeu pour mettre les microalgues vivantes au cœur de la santé. En parallèle, je participe à de nombreuses réunions pour améliorer la qualité de l’eau du Golfe du Morbihan qui, depuis, est devenu Parc Naturel Régional. Je participe aux commissions environnementales du Comité Régional Conchylicole Bretagne Sud pour apporter mes compétences en la matière et travailler ensemble à des mesures concrètes afin d’améliorer le milieu.

En 2013, j’ouvre le lieu au public en tant que ferme pédagogique. Je commence alors à faire goûter à mes visiteurs le phytoplancton utilisé pour mes huîtres, que je produis à partir de mon prototype de “fontaine de jouvence marine” afin d’obtenir un véritable concentré de végétal marin. Sur la Presqu’île de Rhuys, cette dégustation de microalgues est une première. Les ateliers découverte et dégustation de produits locaux mis en place ont permis à La Nurserie du Golfe de se faire connaître dans le Guide du Routard et dans la presse. Les premiers retours sur ce shoot de phytoplancton mélangé à l’eau de mer sont très positifs et mes premiers testeurs souhaitent en prendre tous les matins. Jusque-là, je n’en donnais qu’à mes huîtres pour les affiner et leur donner un goût plus concentré en iode. Au vu des demandes, j’ai fini par contacter l’hôtel Miramar La Cigale situé à Arzon, qui est aussi un centre de thalassothérapie reconnu. Je savais qu’il servait jusque-là dans ses cocktails des ampoules d’eau de Quinton, riche en minéraux et oligo-éléments aux bienfaits nutritionnels constatés. La directrice s’est montrée intéressée par mon projet. Mais à l’époque, l’Agence Régionale de Santé (ARS) ne référence pas la souche que j’utilise. Seules quatre microalgues sont référencées : l’odontella et la chlorelle produites en eau douce, la klamath et la spiruline produites en eau saumâtre. Je me tourne alors vers cette dernière car référencée par l’Organisation Mondiale de la Santé comme “le super-aliment du 21ᵉ siècle pour l’humanité” et comme « l’aliment idéal et le plus complet de demain » par l’Unesco !

 

Qu’est-ce qui distingue la Spiru’Breizh® de la spiruline conventionnelle ?

Apparue il y a 3,8 milliards d’années dans les océans primitifs, la spiruline a été découverte dans les années 1960 par un médecin belge, ayant étudié la population vivante autour du Lac Tchad. Il a constaté les bienfaits dus à son alimentation composée de spiruline. Les lacs d’eau saumâtre constituent son milieu naturel. En saison sèche, la salinité des lacs augmente et cette cyanobactérie se met en veille. La diminution de salinité avec l’arrivée des pluies permet à la spiruline de se réveiller et d’atteindre alors son meilleur rendement à faible salinité.

La spiruline conventionnelle est cultivée dans de l’eau douce resalée, soit par différents sels nutritifs, soit par ajout d’un peu d’eau de mer et de sels nutritifs complémentaires. Mon expertise en eau de mer et en phytoplancton m’a permis de développer une variété marine de spiruline et un processus de fabrication confidentiels uniques au monde, sans consommer d’eau douce. Spiru’Marine produit donc une spiruline 100 % marine, appelée Spiru’Breizh®. Elle est cultivée dans de l’eau de mer de haute qualité puisée dans le Golfe du Morbihan, filtrée, purifiée et stérilisée. Par ailleurs, la Spiru’Breizh® possède une empreinte carbone positive. Elle absorbe 200 tonnes de CO₂ à l’hectare contre 40 T/hect pour la spiruline conventionnelle, là où 1 hectare d’élevage bovin absorbe seulement 0,5 à 1 tonne !

À l’origine, les bassins de production sont très peu profonds, pour pouvoir remuer facilement le mélange. Chaque cellule de spiruline profite alors de la lumière et du CO₂, nécessaire à une optimale photosynthèse. Sa forme en spirale la protège des UV. Les mouvements de l’eau la font tourner sur elle-même pour alterner ombre et lumière. Chez Spiru’Marine, nous mettons en place une production verticale permettant de diviser par cinq le besoin d’espace, d’où son excellent rendement de captation de CO₂ à l’hectare.

J’ai également eu l’occasion de me rendre compte du potentiel santé de notre Spiru’Breizh®, en soignant tout simplement ma petite fille d’une brûlure, avec de la pâte tout juste récoltée en cataplasme. C’est un véritable régénérateur de cellules et un booster de système immunitaire, notamment grâce à son apport en fer et en vitamine B12. De plus, son apport en protéines est incomparable dans l’alimentation. Là où un steak de bœuf de 100 g apporte 22 g de protéines, une portion de 100 g de spiruline sèche en contient 57,5 g.

Symbole d’une agriculture durable, la Spiru’Breizh® répond donc aux enjeux planétaires actuels : le manque de protéine, l’empreinte carbone des activités humaines, le manque d’eau douce, la préservation de l’environnement et la biodiversité.

 

Comment se décline votre projet L’Or Vert Marin, lauréat du plan France Relance ?

Suite à notre déménagement à la Pointe de Bénance à Sarzeau en 2019 et au changement de statut valorisant nos actifs (de Société Civile d’Exploitation Agricole à SAS), nous avons répondu à l’appel à projet Résilience du plan France Relance de septembre 2020. Lauréat le 8 mars 2021, notre projet L’Or Vert Marin a pu démarrer en septembre de la même année, avec une subvention de BPI France de 390 000 € pour cette première phase de développement.

Notre projet se décompose en 3 axes :

  • Le développement industriel de la Spiru’Breizh® sur une ferme aquacole avec la construction d’une ferme aquacole à Arzon sur un terrain de 3 200 m² qui m’appartient. Le bâtiment éco-conçu à haute performance énergétique de 180 m² a été inauguré en 2022 par le Président du Département, David Lappartient, et Simon Uzenat, en charge à l’époque de l’Innovation à la Région Bretagne. La ferme industrielle en est aujourd’hui à mi-parcours de sa construction et permettra, à terme, de produire, récolter, transformer et commercialiser 1,5 tonnes de Spiru’Breizh® dans différentes gammes.
  • L’axe innovation par la construction du Spiru’Lab®, une micro-usine mobile et compacte sur le site de La Nurserie du Golfe.
    Notre démonstrateur actuel (Démo 1) se compose d’un espace de production avec bacs de culture verticaux, d’un laboratoire, d’un espace de permanence et d’un bureau. Il a pour but de produire 200 kilos de Spiru’Breizh® pour revenir sur le marché avec nos produits nutrition-santé, déclinés en amont pour le Miramar La Cigale. Certains s’intéressent aussi à cette micro-usine mobile “clé en main” pour faciliter l’installation de fermes aquacoles à proximité du littoral. Réfléchi pour être autonome en énergie grâce à des panneaux photovoltaïques, le Spiru’Lab® demande une surface d’implantation limitée et réduit les déplacements de la matière première pour contenir l’empreinte carbone.
  • La recherche et développement pour confirmer nos avancées et s’orienter vers le secteur pharmaceutique.
    En partenariat avec le regroupement de laboratoires bretons de l’Institut de Recherche Dupuy de Lôme (IRDL-CNRS), le laboratoire de Vannes a identifié les molécules santé de la Spiru’Breizh®. Parmi ses composantes, la Phyco’Marine® (phycocyanine extraite de notre souche) constitue une alternative à la phycocyanine de qualité mais aux prix beaucoup trop élevés, au pigment de synthèse bleu E133 très controversé, ou à la phycocyanine du marché chinois. Cette Phyco’Marine® possède un fort potentiel antioxydant et anti-inflammatoire à visée de l’industrie pharmacologique et cosmétique.

 

De quel soutien avez-vous bénéficié dans le développement de la biotech Spiru’Marine ?

En 2013, j’ai été accompagnée par la Technopole de Vannes qui m’a ouvert la porte des aides institutionnelles : la Région Bretagne pour le dépôt d’un brevet sur outil de production, le Département du Morbihan pour une étude par le CEVA (Centre d’Étude et de Valorisation des Algues) sur l’étude de souches existantes de spiruline et leur rendement en eau de mer. En 2014, j’ai eu une bourse à l’innovation de la fondation Jean Guyomarc’h et en 2015, j’ai bénéficié d’une subvention pour l’étude de faisabilité par la BPI (Banque Publique d’Investissement) région. Enfin, en 2021, la subvention BPI Nationale fut une belle reconnaissance de notre savoir-faire français.

Par l’intermédiaire de BDI en août 2015, j’ai par ailleurs été sélectionnée pour ouvrir le pavillon France, sous la bannière Bretagne, lors de l’Exposition Universelle de Milan. Notre entreprise représentait alors les trois couleurs de la Glaz Économie de la Région Bretagne : le bleu pour la mer, le vert du développement et le gris de l’innovation. En 2016, mon Caviar Vert® était présent au SIAL (Salon International de l’Alimentation) et fut sélectionné au Prix de l’Innovation. Nous avons été invités 3 fois au Forum Économique Breton : en 2021 pour présenter le prototype du Spiru’Lab®, en 2022 avec notre démonstrateur opérationnel, et en 2023 pour en présenter le principe de production régénérative.

Seul bémol, en dix ans d’activité, je n’ai jamais pu bénéficier d’accompagnement bancaire malgré le potentiel de notre innovation et le soutien de l’État. Je n’ai pas réussi à les rassurer quant aux opportunités de débouchés sur le marché de la nutrition santé. En annonçant publiquement la vente de notre site et des infrastructures aquacoles industrielles à l’automne 2023, je souhaitais lancer un pavé dans la mare pour faire réagir le monde économique. Cette annonce a eu l’effet escompté et je ne suis plus sous pression. En cours de négociations, j’aimerais voir reprendre les travaux en septembre 2024 et le cours normal de notre potentiel.

À titre d’exemple, avec le soutien de la Région Loire-Atlantique et d’un gros partenaire, un collègue industriel a levé 15 millions d’euros, pour une étude autour de sa phycocyanine, pourtant issue d’une spiruline conventionnelle. Quand on sait notre Phyco’Marine® bien au-dessus de ce qui existe sur le marché dans tous les résultats d’analyses comparatives, il est légitime d’espérer un accompagnement pour un programme à grande envergure, qui placerait la Bretagne en leader mondial de cet Or Bleu Marin, cet actif santé unique au monde. J’ai donc réduit les effectifs et j’ai remis mes bottes afin que dès le printemps, à partir de mon petit laboratoire puis du Spiru’Lab®, nous puissions faire connaître nos différents produits aux visiteurs de La Nurserie du Golfe, intégrée dans la démarche pour un tourisme durable Green Morbihan.

J’ai conscience qu’il me faut un partenaire industriel qui porte l’entreprise Spiru’Marine au niveau national et international, en développant le potentiel de mes produits. Avançons ensemble pour améliorer le monde de demain ! La première ferme de spiruline 100 % eau de mer sortirait enfin de terre, pour qu’en 2025 nous puissions ouvrir d’autres fermes et rendre locale la vente de cette fabuleuse bioressource bleue. Je souhaite aussi contribuer à la rédaction d’une norme AFNOR SPEC pour réglementer l’appellation de la spiruline marine et protéger ainsi les acteurs bretons. Et pourquoi pas, avec le soutien de la Marque Bretagne et de BDI, représenter à nouveau l’innovation marine de la Bretagne à l’Exposition Universelle de 2025 !