Dans un secteur en tension en besoin de main-d’œuvre, comment attirer et fidéliser les talents en tant qu’entreprise de la voile de compétition ? Dans le cadre de la Semaine des métiers du maritime et du fluvial, TEEM et Multiplast-Carboman nous ont ouvert leurs portes pour nous évoquer leurs difficultés à recruter et les moyens mis en place pour attirer et surtout fidéliser leurs salariés.
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La voile de compétition, un secteur en tension
114 millions d’euros de chiffres d’affaires pour les 221 entreprises de la Bretagne Sailing Valley®(1). Les chiffres sont éloquents et témoignent du dynamisme et de la bonne santé de la filière voile de compétition dans la région.
Pourtant, le secteur reste en tension sur les questions des ressources humaines malgré 953 emplois pourvus en 2021 (1). Car malgré ses épopées héroïques, ses images de navires volant au-dessus des flots et son parfum d’aventure, la course au large peine à faire naître des vocations et des passions pour ses métiers. Nombreuses sont les entreprises de la Bretagne Sailing Valley® à être confrontées à un manque de main-d’œuvre et à des difficultés pour recruter, notamment car les métiers véliques ne sont pas nécessairement très connus au-delà des frontières bretonnes.
C’est le cas à Lorient et son bassin, hauts lieux de la voile en Bretagne, où le taux de chômage atteint les 6%. Cette situation de quasi plein emploi a notamment conduit CDK Technologies à racheter le chantier C3 Technologies basé à La Rochelle « pour se déplacer dans un autre bassin d’emploi, un peu plus détendu que celui de Lorient », justifiait Cyril Abiteboul, alors directeur général de l’entreprise, sur le plateau de l’une des quatre tables rondes organisées par BDI en marge de la Route du Rhum 2022. À ses côtés, Yann Penfornis, directeur général de Multiplast-Carboman confiait « parfois refuser des projets par manque de personnel, plutôt que de les accepter et de mal les réaliser ».
La formation, une des avaries pour le recrutement
À cette problématique que représente le plein-emploi, s’ajoute celle de la formation pour des métiers spécifiques à la voile et au nautisme. Chez TEEM, société spécialisée dans l’intégration d’électronique marine sur les navires de course et de plaisance, on souligne la difficulté à recruter des techniciens en électronique marine formés et autonomes. « Il est très difficile de trouver des personnes qualifiées, sans débaucher chez des entreprises concurrentes, ce que l’on ne fait pas car il y a un profond respect au sein de la filière », soulève Brice Le Nel, cogérant de l’entreprise. En moyenne, il faut compter deux à trois ans pour être autonome et performant chez nous.”
Chez Multiplast-Carboman, fleuron de la fabrication de composite haute performance et l’un des principaux chantiers navals de Bretagne, le constat est le même : « Le métier est très peu connu et il n’existe que très peu de formations, relève Christelle Lancien, responsable des ressources humaines. Les formations initiales forment les élèves à 80% pour la plasturgie et à 20% pour le composite. Sur notre domaine d’activité, les techniques et les exigences sont plus élevées et les formations initiales ne nourrissent pas suffisamment les entreprises. »
Cette carence de formations, les entreprises la contournent en mettant en place leurs propres processus. L’exemple le plus marquant est celui de Multiplast, qui a lancé, en 2013, son propre centre de formation. « L’idée était de se dire que si nous n’avions pas les compétences, nous les formerions en interne. » En plus de cet établissement, le chantier a établi un partenariat avec l’AFPA d’Auray. La formation s’établit sur 700 heures, soit 6 mois. « Environ la moitié de notre centaine de salariés est issue de cette formation. La tranche 40-50 ans domine notre pyramide des âges dans l’atelier. La plupart des apprenants sont des personnes en reconversion, qui cherchent à donner un sens à leur métier avec le travail des mains et qui sont passionnés par la voile. »
En marge de ce centre de formation, les nouveaux venus chez Multiplast peuvent se faire la main sur de multiples projets et en binôme avec un profil senior. « Nous mettons en place un système de parrainage, illustre Christelle Lancien. L’objectif est que la personne puisse exercer, au départ, avec quelqu’un de plus confirmé et apprendre les automatismes de l’entreprise. » Même son de cloche chez TEEM, où le système d’intégration en binôme porte ses fruits pour que les nouveaux venus apprivoisent leur nouvel environnement.
Fidéliser les salariés malgré la concurrence des teams
Une fois les salariés intégrés, reste à les fidéliser. Parfois, les entreprises sont confrontées à une concurrence que l’on n’attend pas nécessairement : celles des teams de la course au large, ravies de récupérer le savoir-faire d’un salarié chevronné et qui a fait ses gammes en entreprise. « Ce phénomène est impossible à gérer, tranche Brice Le Nel. Les teams sont souvent très contents du travail des collaborateurs de l’entreprise et peuvent proposer à ces derniers de les rejoindre. Mais travailler au sein d’un team est particulier, cela peut durer un temps, sur 1 ou 2 ans, et est difficilement compatible avec une vie de famille… Christelle Lancien prolonge (ou confirme) : « Cela correspond à des moments de vie, à des personnes. Travailler dans un team peut faire rêver, et c’est compréhensif, mais le volume d’heures de travail est très très important. Ce n’est pas du tout le même mode de travail et on est tributaire du rythme des courses. Il y a une alternance de journées à rallonge avec des périodes plus calmes.
Pour fidéliser leurs collaborateurs, les entreprises mettent en place des conditions avantageuses. « Tout au long de l’année, nous mettons en place tout un système de primes pour que le salarié ne se sente pas lésé, en plus des avantages traditionnels. Notamment de l’intéressement. Nous faisons en sorte que quand tout va bien pour l’entreprise, cela se répercute sur tout le monde », appuie Brice Le Nel. « La fidélisation est un véritable enjeu aujourd’hui, poursuit Christelle Lancien. Au-delà de la question des salaires, nous nous efforçons de travailler la valorisation des projets et du sens apporté au travail. »
Travailler pour la voile de compétition mais pas que, dans un cadre attractif
Cette quête de sens s’associe également d’une variété dans les missions. Les entreprises qui composent la Bretagne Sailing Valley® n’hésitent pas à diversifier leurs activités pour étendre leurs carnets de commandes.
En plus de la préparation et de l’intégration de tout l’équipement électrique et électronique sur les navires de plaisance et de course, TEEM inclut une activité de bureau d’études mais aussi de revente pour laquelle l’entreprise est distributeur exclusif de certaines marques.
Multiplast, quant à elle, s’est diversifiée, depuis une quinzaine d’années, pour contrer l’aspect non-linéaire de la course au large. « 60% de notre activité est liée au nautisme et le reste est orienté pour des projets industriels, comme l’aérospatial, la défense ou même le luxe. Cette diversification était obligatoire si nous voulions monter en effectif et en investissement et rester sur la course au large en adressant d’autres marchés. »
Pour attirer les talents, la Bretagne Sailing Valley peut s’appuyer sur d’autres atouts. Sa localisation, tout d’abord. Le sud de la Bretagne offre un cadre et des conditions de vie que peu de régions peuvent se targuer d’avoir. Synonyme de liberté, la voile peut emmener ses salariés en voyage lors des courses même en restant à terre. « Ce qui met des étoiles dans leurs yeux c’est la finalité de la pièce et de voir le bateau qui se met à l’eau et prendre le départ d’une course », conclut Christelle Lancien. N’y a-t-il pas meilleur métier et horizon professionnel ?
Les offres d’emploi dans la voile de compétition
Ci-dessous, vous retrouverez une liste non-exhaustive des offres d’emploi dans la voile de compétition :
- Lorima recherche des drapeurs/stratifieurs, des accastilleurs/monteurs, des techniciens de maintenance et des peintres finisseurs : les offres d’emploi.
- Multiplast recrute un ingénieur commercial composites
- CDK Technologies recrute des drapeurs/stratifieurs, des menuisiers stratifieurs et un(e) référent(e) QHSE
- Heol Composites recrute un ingénieur composite/naval et deux techniciens drapeurs/accastilleurs (H/F) ou jp.dufau@heol-composites.com
- Gepeto Composite recrute 2 techniciens composites expérimentés (H/F) ou recrutement@gepetocomposite.com
- Harsonic maritime un(e) commercial(e)
- Pixel sur Mer recherche un assistant commercial export et un technicien électronique marine
- Le Défi Azimut recherche plusieurs profils
- Northsails recherche un technico-commercial
- Voiles et Voiliers recrute un(e) Chef(fe) de publicité/commercial(e)